L'obligation de négociation préalable peut-elle excuser le retard dans l'organisation des élections ?
21.11.2025
Gestion du personnel
Les juges doivent vérifier que le retard dans l'organisation des élections s'explique en raison de l'obligation de négociation préalable sur les établissements distincts. Le licenciement d'un salarié inapte sans consultation du CSE pendant cette période ne serait pas forcément abusif dans ce cas.
La consultation du CSE sur le reclassement d'un salarié déclaré inapte par le médecin du travail est une formalité substantielle (C. trav., art. L. 1226-2, al. 3 et L. 1226-10, al. 2) (sauf lorsque l'avis du médecin du travail précise que « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé » ou que « l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi »).
Gestion du personnel
La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :
- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.
L'absence de consultation (ou la consultation irrégulière) du CSE rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse et est sanctionnée, en cas d'inaptitude d'origine professionnelle, par l'indemnité prévue par l'article L. 1226-15 du code du travail (par exemple, Cass. soc., 7 mai 1997, n° 94-41.697 ; Cass. soc., 28 mars 2007, n° 04-41.128 ; Cass. soc., 8 avr. 2009, n° 07-44.307 ; Cass. soc., 29 févr. 2012, n° 10-28.848).
La seule exception valable ? L'existence d'un PV de carence justifiant l'absence de CSE à consulter (Cass. soc., 23 sept. 2009, n° 08-41.685 ; Cass. soc., 20 oct. 2016, n° 15-14.890).
Mais qu'en est-il lorsque la mise en place du CSE a pris du retard en raison de l'obligation de négociation préalable à l'organisation d'élections ? C'est à cette question que la Cour de cassation répond dans cet arrêt du 15 octobre 2025.
L'absence de consultation du CSE sur le reclassement d'un salarié inapte en raison de l'absence de mise en place de l'instance...
Dans cette affaire, une association voit son effectif augmenter rapidement. Elle franchit pour la première fois le seuil de 11 salariés le 1er janvier 2018, passant, suite à une fusion, d'une dizaine à 172 salariés répartis sur plusieurs sites. L'entreprise aurait donc dû engager le processus électoral en janvier 2019, l'effectif s'étant maintenu sur une période de 12 mois consécutifs. A cette date, l'association engage des négociations afin de déterminer le nombre et le périmètre des établissements distincts, cette opération constituant un préalable nécessaire à la négociation du protocole préélectoral. Les élections sont finalement organisées en décembre 2019.
Dans cette même période, un salarié est déclaré inapte lors de sa visite de reprise après un arrêt maladie. Il est licencié pour inaptitude avec impossibilité de reclassement. Le salarié conteste son licenciement en raison de l'absence de consultation du CSE, lequel n'a pas encore été mis en place au moment de la procédure le concernant. Les juges du fond lui donnent raison.
L'employeur conteste cette décision arguant de son obligation de négociation préalable sur les établissements distincts comme motif du retard de la mise en place du CSE.
Et la Cour de cassation confirme qu'il faut effectivement en tenir compte.
...peut-elle être justifiée par l'obligation de négocier sur les établissements distincts avant d'engager le processus électoral ?
Après avoir rappelé plusieurs articles relatifs à l'élection du CSE, la Cour de cassation vise plus spécifiquement les articles L. 2313-2 et L. 2313-4 du code du travail, desquels il résulte que ce n'est que lorsque, à l'issue d'une tentative loyale de négociation, un accord collectif n'a pu être conclu que l'employeur peut fixer par décision unilatérale le nombre et le périmètre des établissements distincts.
Remarque : en effet, cette solution résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass. soc., 17 avr. 2019, n° 18-22.948), et a été confirmée par le ministère du travail (Questions-réponses CSE 17 janv. 2020, n° 27).
Puis la Cour casse l'arrêt de la cour d'appel au motif que les juges auraient dû rechercher si l'engagement par l'association, en janvier 2019, de la négociation en vue de la détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts, qui était préalable à la négociation du protocole d'accord préélectoral, avait eu pour effet de retarder le processus électoral au sein de l'établissement dont dépendait le foyer où travaillait le salarié.
Remarque : la Haute cour n'en dit pas plus sur la recherche à effectuer, et ce seront aux juges de la nouvelle cour d'appel devant laquelle l'affaire est renvoyée de déterminer si oui ou non cette négociation préalable justifie un tel retard, et donc l'absence de CSE au moment du licenciement pour inaptitude du salarié. Elle prendra sans doute en compte les conditions de déroulement de cette négociation, ainsi que du processus électoral qui a suivi pour ce faire.
La solution semble logique : cette négociation préalable obligatoire avant d'engager le processus électoral en lui-même résulte de la réforme de l'ordonnance Macron instituant le CSE. Il doit donc en être tenu compte pour déterminer s'il y a un manquement de l'employeur ou non à ses obligations, et en tirer les conséquences.
Remarque : ici, il est question d'un licenciement pour inaptitude. Mais l'absence de consultation du CSE sans pouvoir justifier d'un PV de carence peut avoir d'autres conséquences sérieuses, notamment en matière d'irrégularité du licenciement économique (C. trav., art. L. 1235-15), de possibilité de mettre en place un accord d'intéressement (C. trav., art. L. 3312-2), ou encore de dénoncer un usage (Cass. soc., 5 nov. 2009, n° 08-41.509). En outre, un salarié peut, sans même avoir à prouver l'existence d'un préjudice, invoquer l'absence de CSE pour demander des dommages et intérêts à son employeur, à défaut pour ce dernier de justifier d'un PV de carence (par exemple, Cass. soc., 17 mai 2011, n° 10-12.852 ; Cass. soc., 28 juin 2023, n° 22-11.699). Il nous semble que dans tous ces cas, la négociation préalable à l'engagement du processus électoral devra être prise en compte pour déterminer s'il justifie le retard éventuel de mise en place du CSE.
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